Le fonctionnement et les principaux enjeux du MACF sont bien connus, vous pouvez retrouver plus d’informations sur notre article de référence sur le sujet.
En revanche, les objectifs de cette nouvelle réglementation ne s’arrêtent pas simplement au combat contre les fuites de carbone. Dans cet article, nous expliquons comment cette mesure vise à corriger la concurrence sur les marchés européens, en quoi elle incarne un mouvement novateur de décarbonation chez les producteurs non-européens et de quelle façon elle va imposer la taxation carbone aux pays du monde entier !
Avec le marché EU-ETS, l’Europe a créé le premier marché Cap & Trade (des droits à polluer) régulant les émissions de carbone des activités industrielles européennes. Avec l’instauration d’un prix sur les émissions carbone générées par les usines de l’UE, les entreprises européennes subissent une contrainte réglementaire qui n’existe pas pour beaucoup de leurs concurrents, installés dans des pays ou les normes climatiques sont moins exigeantes.
Qu’est-ce que le marché Cap and Trade EU ETS?
Le système d’échange des quotas d’émissions de l’Union Européenne (SEQE-UE ou EU-ETS en anglais) est un système de plafonnement et d’échange d’émissions (cap and trade en anglais) où les entreprises concernées déclarent leurs émissions et restituent les quotas d’émissions équivalents. Les entreprises concernées peuvent soit acheter des quotas aux enchères soit les recevoir gratuitement (notamment pour les secteurs considérés à risque de fuites de carbone). Le plafond (quantité totale) des quotas d’émission diminue progressivement pour inciter les producteurs européens à réduire leurs émissions.
Pour les entreprises, cette tarification locale du carbone crée un coût supplémentaire répercuté dans les prix de ventes. Le Pass Through qui consiste à transmettre le surcoût de taxe aux consommateurs finaux semble peu probable car les clients pourraient délaisser les produits locaux au profit de produits importés moins chers. Si vous souhaitez en savoir plus sur l’impact de l’EU ETS dans les marchés, vous pouvez consulter l’article rédigé par Anna Creti, Aliénor Cameron et Marc Baudry (sources et références indiquées en bas de page).
Consciente de cette situation, l’UE a alloué aux entreprises des quotas gratuits permettant d’alléger les coûts carbone, mais allant à l’encontre du principe de taxe dissuasive (pollueur/payeur). Avec cette bonne intention, le marché de droits à polluer devient moins incitatif à la décarbonation : les producteurs européens sont protégés par les quotas gratuits et leurs concurrents non européens bénéficient généralement de règles climatiques moins contraignantes dans leur pays.Avec l’allocation de quotas gratuits, l’offre locale (courbe bleu FA) devient plus compétitive face aux offres d’importations (courbe noire).
La solution des quotas gratuits étant temporaire, c’est au MACF que revient la lourde tâche de corriger le déséquilibre du marché causé par l’instauration d’un prix carbone en Europe. Le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières a pour but de :
Ainsi, on voit une première raison de pourquoi le MACF a été créé : pour appliquer les mêmes exigences carbone aux importations et aux producteurs européens.
C’est une première mondiale, l’Union Européenne impose un prix carbone aux frontières. L’instinct novateur de l’Europe en matière de politique climatique n’est cependant pas inédit car il s’est déjà illustré déjà avec la création du premier marché de quotas d’émission en 2005.L’U.E. a ainsi été le premier territoire à imposer (dès 2005 donc) à la mesure des émissions de gaz à effet de serre aux producteurs européens des industries les plus polluantes. Avec l’instauration du MACF, cette étape de reporting des émissions s’applique désormais également à toutes les entreprises qui exportent vers l’Union Européenne.
Vous cherchez comment faire sa déclaration ?
Chez Keewe, nous vous proposons une solution unique pour gérer votre conformité MACF. Rendez-vous sur notre page MACF pour en savoir plus et nous contacter.)
C’est dans l’établissement de la déclaration MACF que réside un des pouvoir d’influence de cette nouvelle réglementation : demander au reste du monde d’évaluer ses émissions carbone. Le MACF peut être interrogé sur son champ d’application et sa mise en œuvre – seuls certains secteurs et certains produits sont couverts à ce stade – mais son objectif principal est tout de même puissant : tous les producteurs qui exportent vers le marché européen doivent quantifier leurs émissions carbone.
La taxation carbone aux frontières a été pensée depuis plus de 30 ans, après avoir été introduite à la conférence de Rio en 1992. Cette idée a été relancée par une des têtes pensantes de l’économie environnementale, William Nordhaus, pour appuyer la création d’un club climatique mondial. Plus récemment, on a pu voir la proposition commune de ce type de club par les pays membres du G7.
Source photo : Wikipedia
Ce club fonctionnerait sur un principe simple : ses membres s'accorderaient sur un tarif minimum pour le carbone émis. Les pays hors de ce club seraient soumis à une taxe sur leurs exportations vers les pays membres. Ainsi, ces pays extérieurs auraient un choix à faire : payer la taxe ou rejoindre le club en adoptant eux-mêmes le prix minimum du carbone.
C’est grâce à l’outil préféré des économistes, l’incitation par les prix, que les pays vont envisager la taxation des émissions carbone.
Et c’est là l’objectif majeur de décarbonation du MACF !
Le coût du MACF pour les entreprises est calculé via la différence entre la tarification carbone du pays fournisseur et celle de l’Union Européenne (le prix du quota en vigueur sur le marché des quotas d’émissions). Il y aura donc un arbitrage à faire pour le prix carbone à payer défini par les politiques climatiques des pays fournisseurs.
Formule : EU CBAM = EU ETS – Domestic Carbon Pricing
Cette approche aspire à la politique incitatrice du "club climatique" mentionné précédemment, guidant les pays exportateurs vers une revalorisation de leur tarif interne du carbone. On vous explique tout ci-dessous :
La logique derrière le MACF suggère qu'une diminution de la demande pour les produits importés, devenus plus coûteux après ajustement carbone aux frontières de l’UE, est probable.
Partie technique : L'idée est que pour l'importateur, le coût final reste similaire, que ce soit en payant un MACF élevé pour des produits à bas prix provenant d'un fournisseur, ou un MACF plus faible pour des produits dont le prix est augmenté à cause d'une taxe carbone plus élevée dans le pays exportateur.
On peut néanmoins imaginer que pour les pays exportateurs, et surtout leurs gouvernements, la deuxième option (augmentation de la taxe carbone locale) est préférable car celui-ci récupère le revenu généré par le prix carbone – plutôt que de laisser l’Union Européenne empocher la mise.
Le gouvernement indien a par exemple déjà pris position sur le sujet du MACF : « Si nous collectons la taxe en Inde même et l'utilisons pour notre transition vers l'énergie verte, ce qui aidera indirectement les mêmes entreprises exportatrices à passer à une énergie plus propre et à réduire leurs coûts, il n'y aura pas de taxe MACF supplémentaire», Ministre du commerce et des industries, M. Piyush Goyal
Source photo : Wikipedia
Par ailleurs, et pour élargir le cadre de la réflexion, on peut aussi se demander si les pays exportateurs ne vont pas ajuster leurs politiques climatiques en fonction de la zone d’exportation – imposer un prix carbone aux exportations destinées à l’Union Européenne mais ne pas l’imposer aux exportations destinées à d’autres pays moins regardants en matière climatique. Dans ce cas, et comme le MACF, il faudra se conformer aux règles du commerce international.
L’étude du MACF peut paraître complexe. Chez Keewe, nos experts vous accompagnent pour comprendre les enjeux de cette nouvelle réglementation. Nous vous proposons une solution unique pour gérer votre conformité MACF :
Rendez-vous sur notre page CBAM pour en savoir plus et nous contacter.
Sources :